Un couvre-feu irréaliste ? Se retrouver dans la rue en pleine pandémie 

Photo par Nathan Dumlao sur Unsplash

Depuis le 9 janvier dernier, le Québec est sous alerte maximale, entraînant l’apparition d’un couvre-feu entre 20h et 5h. Un premier au Québec, ce couvre-feu a entraîné plusieurs questions quant aux effets qu’il aura sur les individus se trouvant en situation d’itinérance. Lors de l'annonce du couvre-feu, le gouvernement Legault a affirmé que la mesure s’appliquera également aux individus sans-abris, en indiquant que ceux-ci devraient se trouver une place dans un refuge. Afin de mieux comprendre la réalité actuelle des individus en situation d'itinérance et des refuges, ainsi que les impacts du couvre-feu sur cette dernière, nous nous sommes entretenus avec Mélodie Racine, directrice du refuge La Porte Ouverte et France Labelle, directrice générale du Refuge des Jeunes de Montréal.

Bien que les autorités locales de certaines municipalités, dont le SPVM, ont annoncé faire preuve de discernement lors de leurs interactions avec cette communauté, des amendes élevées ont tout de même été remises à des individus sans domicile. Selon Mélodie Racine, ces pénalités ne changeront pas la réalité et elles les caractérisent comme étant “de la paperasse pour rien”. D’autant plus que les personnes en situation d’itinérance n’ont pas les moyens de payer une amende se situant entre 1000$ et 6000$.

Une semaine après l’instauration du couvre-feu, une tragédie que plusieurs intervenants redoutaient est survenue. Dans la nuit de samedi à dimanche, un homme qui a été identifié comme étant Raphaël André a été retrouvé mort et gelé dans une toilette chimique au coin de la rue Milton et de l’avenue du Parc, près du refuge La Porte Ouverte, dont il était un fréquent visiteur. Lors d’une entrevue précédant cette tragédie, la directrice de La Porte Ouverte, Mélodie Racine, nous a indiqué que son refuge devait servir de « halte chaleur du 1er décembre au 31 mars », mais affirme que suite à des cas de Covid-19, la santé publique les a forcés à ne « plus rouvrir avec la même capacité ni avec les mêmes heures ». Selon elle, le fait qu’un « espace chaud, sécuritaire, contrôlé, contrôlable » comme son refuge doit demeurer fermé la nuit est une aberration considérant le fait qu’il n’y a pas assez de places dans les refuges pour accueillir toute la population itinérante.

Alors que la situation dans les refuges était déjà précaire, que les individus en situation d’itinérance se trouvaient déjà en marge de la société, la pandémie a aggravé les conditions globales de l’itinérance. « Plus on est au bas de l’échelle sociale et en difficulté, plus une pandémie comme la Covid va frapper dure, va frapper solide. » indique la directrice du Refuge des Jeunes de Montréal, France Labelle. Face à cette pandémie, les refuges ont dû réduire leur capacité d’accueil de 50%. Cette réduction s’est fait ressentir, particulièrement dû au fait qu’il n’y avait pas assez de places dans les refuges pour accueillir tous les individus sans-abris avant la crise sanitaire (sans compter tous ceux qui se sont retrouvés sans domicile pendant la pandémie). Cependant, malgré l’ouverture de nouveaux centres d’hébergement, il n’y a toujours pas assez de places. France Labelle mentionne d’ailleurs que chaque soir, il y a au moins une quinzaine de jeunes personnes que le refuge ne peut pas accueillir dû à ce problème.

Ce couvre-feu est irréaliste. Non seulement les refuges n’ont pas la capacité d’accueillir la totalité des individus en situation d’itinérance, mais en plus, certaines de ces personnes n’ont pas accès aux informations en lien avec les nouvelles mesures de la Covid. Alors que de nombreuses revendications et pressions s’accumulent, dont une pétition dont le but est d’exempter l’application du couvre-feu pour les personnes en situation d’itinérance ainsi qu’une demande de la mairesse de Montréal Valérie Plante, le gouvernement provincial refuse toujours de changer sa position sur une exemption de couvre-feu pour les individus en situation d’itinérance, indiquant que quiconque pourrait avoir recours à cette raison pour se retrouver à l’extérieur après 20h.

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